jeudi 29 décembre 2011

Partir ou ...les enfants bâtisseurs



Nous étions 7, il nous fallait une grande maison.
Nous avions à notre disposition un grenier immense avec tous ses trésors, de tissus, de vêtements, de chute de moquette poussiéreuse, de vaisselle dépareillée et de tout plein d’objets que les adultes appelaient : "onnesaitjamaisçapeutservir".
Je ne comprenais pas bien ce mot mais ce pied de lampe sans abat-jour ferait un parfait porte- manteau  pour les poupées et la boite de galette de Pont-Aven à peine rouillée deviendrait un coffre à bois ou un lit avec un bon matelas pour Nicolas, le gros baigneur.
Et nous voilà partis ! A   monter les cloisons de la maison avec les longs rideaux, tapisser le sol , trouver quelques meubles. Les plus grands accrochaient les tableaux tandis que les plus jeunes envoyés en expédition au jardin, ramassaient branchages, fleurs pour la décoration et un peu de terre pour faire le café. Les « onnesaitjamaisçapeutservir » trouvaient une place d’honneur dans une chambre et au salon. Les garçons ramenaient du sous –sol une planche ou deux ,de quoi faire la  table, une ou deux bouteilles pour  les vases et hop le tour était joué. La maison sentait bon les feuillages humides, le café noir était prêt, les poupées étaient habillées, Nicolas au lit, les autres autour de la table.
 Nous pouvions enfin commencer à jouer. Et là, horreur malheur, du fond du rez-de-chaussée nous entendions «  les enfants, on rentre ».Tout ça pour ça ! 2 heures d’installation et on n’avait même pas commencé  à jouer.
Le désespoir nous serrait le cœur, les ainés bienveillants mais en colère tentaient de consoler la petite sœur qui voulait servir le café et le petit frère, lui était déjà repartir jouer au ballon dehors.
Deux ou trois semaines plus tard, nous nous retrouvions et nous recommencions avec autant de plaisir !
Les cloisons étaient plus solides, la déco plus design, pas de café ce jour-là mais une salade de pissenlit, Nicolas au coin, trop fainéant, Isabelle toute belle dans sa nouvelle robe, et toujours le sempiternel «  les enfants on rentre » qui nous plongeaient dans la même désolation.

Le plaisir d’une nouvelle histoire, d’un nouveau départ. Quelque chose qui nous serre le cœur, laisser tout cela derrière nous s’efface alors très vite devant cette joie de tout recommencer.
« …Partir. A nouveau partir. Sans cesse infiniment partir….Ce qu’il avait fait une fois il lui fallait le refaire une seconde fois, et cette seconde fois était aussi impossible que la première et mille fois plus dure, incomparablement plus dure. …Nous ne sommes  maîtres de rien. Ce que nous créons se séparent aussitôt de nous…Ses jours sont à l’homme ce que ses peaux sont au serpent. Ils luisent un temps au soleil puis se détachent de lui. »Extrait d’un très beau petit livre de Christian Bobin sur Saint François-d’Assise«  Le Très-Bas ».

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